Écrire pour ne pas décéder de l'ennui mortel. Être de ceux là, sans ordre de mission, inimportant, intransportant, empli d'une lumière gâchée joyeusement passive. Se tortiller plutôt que de perdre une miette de la rêverie et la mettre en ligne, en notes. La dire, la chanter, la créer. Au fond je me demande si je ne rêve pas pour le plaisir de me tortiller... . 


Le funambule titubant


Il était un enfant qui n'avait rien en poche
pas le bout d'un crayon, d'un papier, d'une gomme
à qui l'on demandait d'avoir un métier d'homme
parce qu'il n'est pas convenable de vivre à la cloche.

Est-il plus convenable de se tordre le cou,
de s'écraser les doigts, de malmener ses pieds,
pour aller du chagrin au nez rouge du banquier,
pour avoir l'air d'quelqu'un qui sait gagner des sous?

Est-il si convenable d'alimenter la chaîne
qui pendra haut et court, par de malins plaisirs,
de cuillerées de miel et de baumes à enduire,
l'innocence que nos mères avaient mises dans nos veines?

Se demandait l'enfant, funambule titubant,
à qui l'on demandait de devenir un grand.

Il était une fois entre les pages cornées
d'un livre jeté là comme un simple emballage
un poème apeuré de finir hors d'usage
"c'était p'tit bonheur" qu'il fallait ramasser.

L'enfant sans réfléchir le mit sous son tricot
ignorant que le vent d'un vol de papillon
impactait les marchés, les biens d'consommation,
qu'enfin vienne le temps d'la crise et du chaos.

le poème racontait qu'il était de Prévert,
d'Eluard, de Valéry, de Jacob, de Cadou.
il racontait qu'avant il vivait chez des fous
qui achetaient leurs livres au rayon camembert.

se demandait l'enfant, funambule titubant,
si devenir un grand c'était si excitant.

Il était un enfant qui n'avait rien pour lui
et trouva la fortune au pied d'une poubelle
une poubelle de grand avec plein d'pots de miel,
de baumes à enduire, de pilules hors de prix.

Dans la rue principale où tous allaient bon train
pour s'écraser les doigts, pour se tordre le cou,
au service de qui? au service des fous,
dans la rue principale, celle des grands magasins.

Il était une fois et ce fut bien la bonne
sous son tricot de laine l'enfant mit sa fortune
et ne chercha jamais à décrocher la Lune
à quoi bon d'ailleurs?Il était riche comme personne.


se demande l'enfant, funambule titubant
si c'est bien raisonnable de l'raconter aux grands?...


FIN

























JE VEUX ME SOUVENIR DES JOLIES CHOSES



Je veux me souvenir des jolies choses
quand rien ne me retiendra plus
les parfums de Formose
les mots de Kundera
les Etoiles des rues...

Sortir de mon âme trouée
les photos des voyages anciens
les rendez-vous fardés
des Paradis d'orage
dans les brumes de Berlin...

J'veux oublier le goût des autres
l'odeur fétide des mannequins nus
à qui revient la faute
l'horreur qui, en chacun
de nous, fut aperçue...

Sortir de mon âme dégrisée
les images de ma vie secrète
celles qu'on ne veut pas montrer
Ô ne pas être, aussi,
vu aux côtés d'la bête!

J'veux voir les entrailles du monde
celles qu'on n'a jamais vues
à mon ultime seconde...
voir si il était utile 
de vivre juste au dessus...

(pont)

Et de t'avoir trop aimé
je veux mourir sans le moindre aveu
si j'ai pu te tromper
si ce que j'ai du feindre...
je le fis...
pour nous deux...



FIN